Quelle eau pour les vivipares ?

Alain Grioche

On classe trop facilement les vivipares dans les poissons pour débutant et pour les eaux dures ! Quinze ans de spécialisation dans ce groupe m’ont permis de découvrir que loin d’être des poissons d’eau dure, beaucoup de vivipares sont victimes de leur réputation de poissons pour débutants.

Le but de cet article est de rétablir quelques vérités sur les vivipares « poissons pour débutants et pour eaux dures ».

J’élève des vivipares depuis plus de quinze ans. Des guppys de concours, des platys ou des mollys du commerce, mais aussi des espèces rares qui ne peuvent être trouvées que dans les réseaux de passionnés. On lit trop souvent que les vivipares nécessitent une eau dure pour être à leur aise. Et qui plus est certains disent que ce sont des poissons d’eau saumâtre ! C’est totalement faux !

Je connais des vivipares inféodés aux eaux acides, c’est-à-dire qui ne peuvent vivre que dans des eaux à discus ! par exemple Poecilia parae, Poecilia minima, Poecilia branneri sont de proches cousins du guppy qu’on ne peut maintenir en aquarium qu’à un pH inférieur à 7. Je ne connais pas de vivipares inféodés aux eaux salées. On dit souvent que les mollys ont besoin de sel dans leur eau… j’en ai pêché au Mexique dans des ruisseaux à 2000 mètres d’altitude ! On en trouve dans tous les ruisseaux entre le sud des États unis et la Colombie, que l’eau y soit basique ou acide, dure ou douce ! Je ne connais pas non plus de vivipares inféodés aux eaux dures, sauf certaines espèces endémiques de sources hydrothermales (Poecilia sulfuraria). Le meilleur exemple est le guppy sauvage : les pêches en milieu naturel montrent qu’il vit aussi bien à un pH de 5,5 qu’à un pH de 8,5 !

Il ne faut pas en déduire que tous les vivipares sont à maintenir en eau acide… Ne plongeons pas dans l’extrémisme ! Les vivipares du commerce sont habitués à des eaux basiques (voir, malheureusement, salées…) depuis de nombreuses générations. Mais il est important de comprendre que la plupart des espèces peuvent vivre à n’importe qu’elle dureté entre un Gh de 5 à 30 ! Seulement, une eau très dure, si elle est parfaitement supportée, représente quand même un extrême… et qui dit extrême dit danger !

Placer ses poissons dans des conditions limites représente une prise de risque. Associé à d’autres « défauts de maintenance », les débutants courent à l’échec ! Je pense personnellement qu’un groupe de néons, Danio ou Rasbora est beaucoup plus indiqué pour un débutant qu’un couple de guppies !

Les raisons :

  1. Les vivipares vivent mieux en eau neutre à légèrement dure. Un Gh de 5 à 10 avec un pH de 7 sont parfais pour maintenir les guppys, xiphos, platys ou mollys. J’ai personnellement élevé avec succès des velifera à un pH de 6,8 et un Gh de 6… alors qu’on les qualifie de poisson d’eau saumâtre !
  2. Les vivipares ont besoin d’une eau super propre ! Ce qui signifie un aquarium de taille suffisante avec une densité de population faible et un renouvellement d’eau d’au moins 30% chaque semaine. Pour des mollys il est raisonnable de compter 20 litres par poissons : un bac de 200 litres = 10 mollies maximum et rien d’autre avec un renouvellement d’au moins 60 litres par semaine.
  3. Les vivipares ont une hiérarchie forte. Les relations entre un mâle et une femelle guppy sont aussi mauvaise qu’entre un mâle et une femelle Betta par exemple. Pour cela on recommande un mâle pour deux à trois femelles. Les mâles platys ou xiphos sont aussi agressifs entre eux que des mâles de cichlidés ! il est impensable de mettre uniquement deux mâles dans un bac : ou un seul mâle, ou trois minimum.
  4. Les vivipares vivent en groupe ! Ils ne forment pas des bancs comme les néons, mais en milieu naturel ils sont très souvent trouvés en populations de milliers d’individus ! Il est donc raisonnable de les élever en groupe de 8 à 10 individus minimum pour préserver leurs relations sociales : 3 mâles et 5 à 7 femelles.

La règle pour réussir est simple : un bac assez grand, avec une eau renouvelée fréquemment et une population suffisamment nombreuse. La dureté de l’eau devient alors un paramètre accessoire…

Quant au sel, il est à réserver uniquement au traitement ponctuel de maladies qui n’apparaîtront pas si vous respectez les conditions optimales de maintenances.

Voilà pourquoi je pense que les vivipares ne sont pas des poissons aussi faciles et aussi recommandables aux débutants. Ils ont des exigences de qualité d’eau, des exigences de propreté du bac et des exigences sociales toutes aussi importantes que pour les autres poissons, voire plus.