La reproduction

Généralités et particularités

Les poissons, en règle générale, doivent faire face à un problème crucial pour leur survie : leurs alevins sont souvent des proies de choix pour une longue liste de prédateurs et les dangers qui guettent leur progéniture sont nombreux. Pour pallier à ces problèmes, les poissons ont développés plusieurs stratégies reproductrice fondées soit sur le hasard, la protection parentale ou encore l'autonomie maximale du jeune poisson.

Mais que signifie viviparité ? La définition n’est pas évidente ni pour les aquariophiles, ni pour les ichtyologistes. Cette définition pourrait être : « Poissons qui conservent les embryons à l’intérieur des voies génitales maternelles jusqu’à ce que ceux-ci soient aptes à mener une vie autonome et à s’alimenter sans les réserves vitellines ». Cette définition suggère implicitement qu'il y ait eu une fécondation interne des ovules.

Il existe plus de 1000 espèces de poissons vivipares. Une grande partie est trouvée chez les poissons cartilagineux (chondrichtyens), raies et requins, presque tous marins, dont 40 familles possèdent des espèces vivipares. Chez les poissons osseux (osteichtyens), 14 familles possèdent des espèces vivipares. Les plus communes et les plus importantes sont les Poeciliidae, les Goodeidae et les Hemiramphidae. Mais il faut signaler que l’on trouve aussi des espèces vivipares ou pseudo-vivipares chez les Characidae ou les killis par exemple, bien que celles-ci constituent des exceptions au sein de ces groupes. De la même façon, tous les Poeciliidae, Goodeidae et Hemiramphidae ne sont pas vivipares.

Acquisition évolutive relativement récente, la viviparité est apparue de façon indépendante chez de nombreuses familles de poissons et de vertébrés en général. Pour certains auteurs, la viviparité serait un signe d'évolution avancée en raison des avantages qu'elle procure. Ainsi la viviparité apparaît comme un summum de la protection parentale puisqu’à aucun moment l’œuf ou l’embryon ne quittent la protection de sa mère. En effet, alors que la fécondation est réalisée, ils sont transportés par leur mère qui, adulte, est capable de s'échapper face aux prédateurs, protégeant du même coup toute sa progéniture. Par ailleurs, grâce au temps passé dans le ventre maternel et pendant lequel ils débutent leur croissance, les jeunes vivipares découvrent le monde extérieur à un stade avancé de développement. Ils arrivent donc autonomes, capables de subvenir à leurs besoins et capables également de se prémunir plus efficacement des prédateurs que n'importe lequel des alevins de poissons ovipares qui auront abandonnés leurs œufs au hasard.

Si l'on regarde un peu plus en détail ce qui se passe au sein des familles de vivipares qui nous intéressent on constate qu'il existe toutefois différentes formes de viviparité et qu'au sein même de ces familles il existe différents degrés de viviparité.

Viviparité chez les Anablepidae

Cette famille renferme les fameux poissons à « quatre yeux », les Anableps, dont nous détaillerons plus loin les particularités adaptatives.

Il existe trois espèces d’Anableps qui possèdent toutes le même système de viviparité, et une espèce un peu à part, faisant partie de la sous-famille des Oxyzygonectinae, Oxyzygonectes dowi. Ce proche parent des Anableps est ovivipare, c’est à dire qu'il pond des œufs.

Chez les Anablepidae, la viviparité se présente sous sa forme la plus simple : les ovules fécondés sont conservés dans la paroi des organes génitaux de la mère. Le jeune commence son développement en puisant les réserves en vitellus de l’œuf, puis assez rapidement il va utiliser les nutriments fournis par sa mère. En effet, l’irrigation sanguine de la paroi des organes génitaux de la mère est importante et les substances nutritives vont diffuser à travers la membrane des œufs. Au niveau de l’abdomen, qui apparaît alors relativement dilaté, les jeunes développent des papilles absorbantes qui sont elles aussi particulièrement irriguées. Cette double irrigation croisée, mère-embryon, permet des échanges importants de nutriments à travers la membrane des œufs ce qui explique que ces espèces puissent produirent des jeunes de plus de 5 cm.

Le mâle Anableps possède une nageoire anale transformée en tube, qui sert lors de l’accouplement pour transférer le sperme. C’est une forme de gonopode, plus simple que celui des Poeciliidae qui se développe chez le mâle au moment de la maturation sexuelle, plusieurs mois après la naissance. Les mâles présentent la particularité de ne pouvoir ériger leur gonopode que d’un seul côté, droit ou gauche selon les individus. Ceci est lié à leur musculature qui est fortement asymétrique. De leur coté, on trouve chez les femelles une écaille qui referme partiellement l’orifice génital, soit à gauche, soit à droite, là encore selon les individus. Ce double phénomène d'« orientation sexuelle » fait l'objet d’une légende persistante. On a ainsi longtemps dit que les mâles gauchers ne pouvaient s’accoupler qu’avec les femelles droitières et vices-versa. Or ceci est faux : quelle que soit leur orientation génitale, quelles que soient les difficultés qu'ils rencontrent ces poissons arrivent parfaitement à s’accoupler sans aucun problème. (référence biblio ???)

Signalons enfin que chez tous nos poissons vivipares les spermatozoïdes sont transférés sous forme de petits paquets appellés « spermatophores ». Ces spermatophores, chez les Anablepidae comme chez les Jenynsidae et les Poeciliidae sont stockés dans les parois des voies génitales des femelles qui pourront les utiliser quand elles en auront besoin, parfois plusieurs mois après l’accouplement ! Là encore, ce phénomène constitue un avantage particulier conféré par la nature puisque, même en l'absence d'individus mâles (pour raison de prédation, maladie etc.), la reproduction sexuée peut se poursuivre.

Viviparité chez les Jenynsidae

Les systématiciens ont regroupé les Jenynsidae au sein des Anablepidae. Pourtant les poissons de cette famille présentent un type de viviparité très différent des Anablepidae ou de toutes les autres familles de vivipares. Dans le cas des Jenynsidae on parle de « vivipares vrais », ou encore de poissons « matrotrophes ». Chez les Jenynsidae, les embryons éclosent très rapidement et poursuivent leur développement dans la cavité de l’ovaire de la femelle. La paroi de l’ovaire va alors se développer en chambres et diverticules, à la fois pour entourer les embryons mais aussi pour les nourrir. Certains de ces diverticules, que l’on appelle des « trophonemata », vont pénétrer dans la bouche et les ouies des embryons afin d’établir un contact étroit entre leur mère et eux et faciliter l’apport des nutriments. L’embryon se développe donc quasi exclusivement grâce aux apports de sa mère. Ceci est tout a fait différent de ce que l'on observe chez les Goodeidae, où les structures d’échange, les « trophotaeniae », appartiennent à l’embryon. À la naissance des alevins Jenynsia vous ne verrez rien de la structure des « trophonemata » puisqu’elles vont rester dans la mère et vont dégénérer en attendant une prochaine portée.

Chez les Jenynsidae, la durée de gestation est d’environ 4 à 6 semaines variant selon les conditions de température. Comme chez les Anablepidae, les mâles possèdent une nageoire anale transformée en tube, qui est en fait un gonopode à la structure simple. Là aussi, le gonopode ne peut être orienté que sur la droite ou la gauche, mais comme chez les Anablepidae, ceci ne pose aucun problème pour la reproduction des poissons qui peuvent s’accoupler entre eux comme bon leur semble.

Viviparité chez les Poeciliidae

La famille des Poeciliidae regroupe, entre autres, les guppys, xiphos, mollys… cette famille est la plus importante en terme de nombre de représentants (environ 280 espèces). La caractéristique commune essentielle de ces poissons est que les mâles possèdent un organe de fécondation, le « gonopode » formé par les troisième, quatrième et cinquième rayons de la nageoire anale. Cette nageoire anale est donc transformée en un tube qui va servir aux transfert des spermatozoïdes du mâle vers la femelle. Au moment de leur naissance tous les alevins Poeciliidae sont identiques, mâles ou femelles. Chez les poissons des deux sexes la nageoire anale a alors un aspect classique, plus ou moins triangulaire. L'apparition du gonopode ne débute qu’au moment de la maturation sexuelle du mâle, moment où en quelques jours la nageoire triangulaire va s’allonger, se rabattre le long du corps pour finir par former un tube d'insémination. Pour le jeune poisson mâle, cette période de « puberté » se traduit très souvent par une réelle métamorphose physique et comportementale. Il en est ainsi par exemple avec l'apparition d'une « épée » dans le prolongement de la nageoire caudale chez les xiphos, le développement de la nageoire dorsale chez certains mollys, l’apparition des couleurs chez les guppys ou encore un épaississement du corps et la formation d’une carène ventrale chez les Limia. Il s'agit aussi du moment où commencent les problèmes de domination entre individus. Le jeune mâle doit lutter pour établir sa position dans la hiérarchie masculine et il va commencer à s’essayer aux tentatives de séduction devant les femelles.

Il faut comprendre que le gonopode n’est pas un simple tube mais un organe complexe devenu très spécialisé avec l'évolution. Son extrémité est souvent munie de palpes et de petits crochets qui serviront par le contact à identifier la zone génitale de la femelle. Le mâle, bien qu’il ne puisse voir l’extrémité de son gonopode, est ainsi informé qu’il a touché la zone correcte et qu'il peut effectuer le transfert des spermatozoïdes. Contrairement aux Jenynsidae et aux Anablepidae, le gonopode des Poeciliidae peut être dirigé à droite comme à gauche mais la réalité est que chaque mâle possède ses propres habitudes. Leur musculature se développant plus d’un côté que de l’autre, les mâles ont souvent un côté de prédilection et, au final, essaient de féconder les femelles toujours dans la même position.

Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, il n’y a pas pénétration du gonopode à l’intérieur de la femelle. Les spermatozoïdes sont déposés sur le bord de l’orifice génitale de la femelle et ce n’est que par la suite qu’ils sont transportés par des mouvements cellulaires jusque dans les voies génitales. (réf biblio???)

Les femelles Poeciliidae présentent la particularité de pouvoir conserver en leur sein les spermatozoïdes actifs pendant plusieurs mois. En réalité le mâle transfère à la femelle des paquets de spermatozoïdes, les spermatophores. Certains de ces spermatophores libèrent dès l’accouplement leur contenu qui féconde les ovules en attente, s’il y en a. Les autres spermatophores sont stockés dans les parois des voies génitales de la femelle, en attente d’une prochaine série d’ovules à féconder. Ainsi chez ces poissons, accouplement n’est pas synonyme de fécondation. Avec un seul accouplement une femelle peut être féconde plusieurs mois. Après avoir été séparée du mâle une femelle pourra effectuer trois ou quatre pontes successives, parfois plus. Cette caractéristique est à l’origine du succès de colonisation des Poeciliidae à travers le continent américain, puis grâce à l’homme à travers une bonne partie du globe terrestre. En effet, il suffit d’une seule femelle fécondée pour produire plusieurs centaines d’alevins répartis sur plusieurs mois.

Chez les Poeciliidae, les œufs sont maintenus dans les parois des voies génitales de la femelle jusqu’à leur éclosion, qui correspond aussi au moment de la naissance des alevins. Il est courant de voir le petit, expulsé par sa mère, encore enveloppé par la membrane de l’œuf qui se déchire rapidement au cours de la chute de l’alevin. Pour cette raison les Poeciliidae sont souvent qualifiés d’ovovivipares, ce qui signifie que les œufs sont incubés à l’intérieur de la mère. En théorie, l’embryon utilise les réserves en vitellus de l’œuf pour se développer et la mère ne joue qu’un rôle d’oxygénation et de protection. Ce phénomène, qui est appellé « lécitotrophie » n’est cependant pas toujours vrai. Chez de nombreuses espèces la femelle va apporter aux embryon une quantité non négligeable de nutriment, ce qui est généralement mesuré par une augmentation du poids de l’embryon au cours de son développement. Cet apport nutritif de la part maternelle est qualifié de matrotrophie (cf. les Anablepidae). Certaines espèces de Poeciliidae sont strictement lécitotrophes, ce qui signifie que le jeune n’utilise que les réserves de l’œuf pour se développer. D’autres sont majoritairement matrotrophes, ce qui signifie que les réserves de l’œuf sont rapidement épuisées et sont suppléées, pour achever le développement, par les apports maternels. Les espèces matrotrophes développent des structures, au niveau de l’alevin et au niveau de la mère, pour faciliter les échanges de nutriments. Le sac péricardique est ainsi une structure embryonnaire qui va disparaître avant la naissance, il est particulièrement développé chez ces espèces. Il sert d’organe d’absorption au niveau de la tête des embryons. D’autre part la paroi des organes maternels va elle aussi se développer fortement pour augmenter les surfaces de contact avec les embryons dans leurs oeufs. La paroi des œufs elle-même sera munie de villosités chez certaines espèces pour faciliter les échanges entre l’intérieur et l’extérieur des œufs. Les espèces réellement ovovivipares (ou strictement lécitotrophes) sont finalement relativement rares…

Le cas extrême de lécitotrophie est probablement Tomeurus gracilis, encore que certains se refusent à le classer parmi les vivipares. Ce Poeciliidae présente la particularité de pratiquer une fécondation interne, à l’aide d’un gonopode tout à fait « classique ». Toutefois la femelle pond les œufs quelques heures après la fécondation. Les embryons vont donc se développer dans leurs œufs, collés sur les plantes pendant plusieurs jours, ce qui correspondrait plutôt finalement à la définition de l’oviparité.

La durée de gestation chez les Poeciliidae est dépendante de la température à laquelle ils sont maintenus. Globalement elle est de plus ou moins trois semaines pour presque toutes les espèces. En ajoutant quelques jours de repos pour la mère, le temps de former de nouveaux ovules, nous obtenons un cycle de ponte très régulier d’environ 4 semaines.

Les pontes représentent un gros investissement d’énergie pour la mère puisque la masse des petits peut correspondre à près de la moitié de son propre poids. La production d’une portée est donc un événement répétitivement éprouvant pour la santé de la mère. Généralement les jeunes femelles, plus petites et possédant moins de réserves vont produire les pontes les plus faibles, parfois pas plus de 5 ou 10 alevins. Les femelles plus âgées et plus grosses produisent des pontes plus importantes, dépassant parfois la centaine d’alevins. Certaines espèces appartenant aux genres Heterandria, Poeciliopsis, Flexipenis ou encore Neoheterandria se sont adaptées pour limiter leurs efforts. Au lieu de produire une grosse portée tous les mois, elles produisent de petites pontes très fréquemment, parfois à quelques jours d'intervalles. Ce phénomène s'appelle la « superfétation ». Pour la plupart, les espèces concernées sont de petites espèces chez lesquelles les femelles ne dépassent que rarement les trois centimètres. Pour des poissons de cette taille la production d’alevins représente un investissement très important. Chez Heterandria formosa par exemple, on a trouvé jusqu’à 9 portées simultanées et de développement divers chez une seule femelle. Ceci signifie que la femelle va produire un ou deux alevins tout les deux ou trois jours et ceci sur toute la durée du mois. Au final notre petite femelle a produit autant d’alevins qu’une autre espèce mais sans avoir à augmenter son poids ou son volume de façon exagérée. Chez les Poeciliopsis cette méthode de reproduction est temporaire. Elle est observée pendant les premières semaines chez les jeunes femelles avec des portées d’environ 5 à 10 alevins tous les 5 à 10 jours. Puis, lorsque la femelle devient plus âgée, les pontes passent à un rythme mensuel.

Viviparité chez les Goodeidae

Différence essentielle, chez les Goodeidae dont les représentants les plus connus du grand public sont les genres Ameca ou Xenotoca, l'organe reproducteur n'est pas un gonopode mais un andropode. Chez les Goodeidae la nageoire anale des mâles est séparée en deux parties par une sorte d’encoche ce qui permet de les distinguer des femelles. La nageoire anale des mâles ne forme donc pas un tube mais plutôt une sorte de cuillère. Bien que peu évidente à voir pour les non initiés, cette différenciation est extrêmement précoce puisqu’elle est parfois présente dès la naissance.

Le fonctionnement de l’andropode est encore mal compris. Les rayons de la partie avant sont renforcés et possèdent une forte musculature, ils permettent au mâle de courber la nageoire anale jusqu’à former une sorte de gouttière qu’il vient placer autour de la papille génitale de la femelle. C’est à ce moment là que les spermatophores sont transférés. On ne sait toutefois pas exactement si ce transfert s’effectue par simple contact… certains scientifiques supposent qu’un palpe, petit organe musculeux et érectile, visible par dissection au niveau de l’orifice urogénital, sortirait a ce moment précis pour faciliter le transfert des spermatophores, mais ceci n’a jamais pu être observé in situ en raison de la rapidité de l’accouplement.

Le poisson Girardinichthys viviparus est particulièrement intéressant pour cette observation. En effet, chez cette espèce le mâle et la femelle restent en position d’accouplement pendant parfois plusieurs secondes. On peut alors parfaitement observer la nageoire anale du mâle repliée en forme de gouttière sous la femelle. Pour maintenir cette position aussi longtemps les mâles G. viviparus ont d’ailleurs une musculature particulièrement développée qui fait une bosse nette au dessus de la région génitale. Malheureusement le fonctionnement du palpe n’a jamais pu être observé chez cette espèce non plus.

Contrairement aux femelles des autres familles, les femelles Goodeidae sont incapables de stocker les spermatozoïdes. Chaque reproduction nécessite un accouplement et cet accouplement doit correspondre à la période de fertilité de la femelle. Une femelle isolée ne produira donc jamais plus d’une portée maximum et retrouvera un état vierge après cette ponte. Le système de viviparité développé par les Goodeidae est celui qui ressemble le plus au système utilisé par les mammifères. Les Goodeidae sont pour cette raison appelés communément « vivipares vrais », ou encore « matrotrophes purs ». En effet, comme chez les mammifères, les embryons éclosent peu de temps après la fécondation et vont se fixer dans la cavité de l’ovaire de la femelle qui devient un équivalent d’utérus. Chaque embryon développe au niveau de l’anus des structures d’échange que l’on appelle des trophotaeniae. Ces trophotaeniae constituent l'équivalent du placenta et du cordon ombilical des mammifères. En forme de tube, ils sont fortement irrigués et entrent en contact étroit avec les replis formés au niveau de la paroi de l’ovaire de la mère. Les échanges de nutriments ou respiratoires entre la mère et les embryons s’effectuent donc à travers ces tubes mais aussi, semble-t-il, par l’intermédiaire de la nageoire primordiale (l’unique nageoire) que possèdent les embryons et qui représente une surface d’absorption importante.

La forme la plus élaboré de relations mère–embryons est trouvé chez Girardinichthys ireneae (ex. Hubbsina turneri). Chez cette espèce les trophotaeniae sont ciliés ce qui permet une agitation du liquide les entourant et favorise donc son renouvellement rapide. De plus, chez cette espèce, la paroi de l’ovaire de la mère forme des diverticules (trophonemata) qui pénétrent dans la bouche et les ouie des embryons afin de favoriser encore plus les apports de nutriments et la respiration.

Au moment de la naissance les alevins portent encore très fréquemment ces tubes, qui pendent au niveau de l’anus. On dit souvent que les trophotaeniae tombent après la naissance, ce qui est faux. Ils ne tombent pas mais sont en fait résorbés et disparaissent donc progressivement. Il faut savoir d'ailleurs que ces trophotaeniae sont de taille maximale après environ un mois de gestation puis qu'ils commencent leur régression, bien avant la naissance. Leur présence chez un jeune poisson peut donc être le signe d'une naissance prématurée.

Chez les Goodeidae la gestation dure environ deux mois, avec un intervalle d’environ 7 jours entre la ponte et la fécondation suivante, ceci variant avec la température. Ces poissons venant des hauts plateaux du Mexique, ils sont habitués à connaître des hivers rigoureux. Il est important de prendre en compte ces besoins en aquarium. En effet, si les Goodeidae sont maintenus à température constante, les femelles de la plupart des espèces ne tardent pas à subir une ménopause rendant ainsi toute reproduction impossible. Il est donc nécessaire, selon les espèces, de leur faire passer l’hiver entre 15 et 20°C. Au cours de cette période les femelles cessent de se reproduire, reconstituant leurs réserves, et au printemps dès que la température remonte, les pontes reprennent. Par ailleurs il est important de signaler également que, mis à part quelques cas particuliers, les mâles se stérilisent lorsqu’ils sont maintenus trop longtemps au-dessus de 27°C. On observe donc souvent dans la nature et dans nos bacs une double période de reproduction, printanière et automnale, avec un arrêt des pontes en hiver et en été. Les portées produites par les Goodeidae sont généralement petites, souvent entre 15 et 30 alevins, mais ceux-ci sont gros, entre 1 et 2 cm, et ils naissent de surcroît parfaitement développés. Il s’agit donc d’un exemple particulièrement abouti de viviparité.

Quelques cas particuliers

Il existe de nombreux cas particuliers et remarquables de mode de reproduction parmi les poissons vivipares.

Un vivipare pondeur d'œuf ?

Nous avons déjà évoqué le cas de Tomeurus gracilis, espèce qui, bien que pratiquant la fécondation interne, pond des œufs. Le plus curieux chez ce poisson est qu'il laisse ses œufs sur les plantes des estuaires où il vit et que l’on pense que l’assèchement de ces oeufs, lors des marées basses, est nécessaire à leur développement.

Une reproduction sans mâle ?

Il est plus surprenant de savoir que certaines espèces de vivipares, de la famille des Poeciliidae ne sont constituées que d'individus femelles. On parle dans ce cas d’unisexualité. Chez certaines espèces en effet aucun mâle n’a jamais été trouvé, seules des femelles ayant pu être identifiées. Le cas le plus connu est celui de Poecilia formosa, le molly amazone, mais ce phénomène est également trouvé chez plusieurs espèces du genre Poeciliopsis. Comment ces espèces parviennent-elles à se reproduire ? Simplement en utilisant les mâles d’autres espèces de Poeciliidae pour féconder leurs ovules. Chez le molly amazone on a ainsi montré que des jeunes naissaient d’un accouplement avec les mâles d’autres espèces de molly ou avec des mâles guppys mais aussi, dans une moindre mesure, avec des mâles Gambusia. Curieusement, ces reproductions croisées ne donnent naissance qu’à des poissons femelles, exactement identiques à leur mère. Il s’agit d’un phénomène que l’on nomme la gymnogenèse. Les spermatozoïdes du mâle activent l’ovule de la femelle et lui permettent d'entrer alors en développement sans pour autant que l’ADN apporté par le spermatozoïde ne soit intégré, ceci de façon totale ou partielle. L’embryon se développe donc totalement ou presque totalement à partir du seul ADN de la mère. L’origine de ces espèces est assez simple à trouver, il s’agit généralement du fruit d’un croisement entre deux espèces sympatriques qui donne l’apparition d’un troisième type de poisson, uniquement femelle. Ces croisements ont été reproduits et donc prouvés expérimentalement en laboratoire.

La légende du changement de sexe

Autre curiosité, on attribue souvent aux xiphos des facultés d’hermaphrodisme ou d’inversion sexuelle. Nombreux sont les aquariophiles ayant entendu dire ou ayant lu dans de nombreux ouvrages qu'une femelle xipho pouvait en certaines occasions se « transformer » en mâle, même après avoir déjà donné de belles portées. Pourtant ceci est faux et les études de plusieurs scientifiques l'ont démontré (Meffe & Snelson, 1989). Malgré de nombreuses expérimentations par différents laboratoires sur différentes souches de poissons vivipares, la transformation d'un vivipare femelle en vivipare mâle (ou l’inverse) n'a jamais pu être mise en évidence. Si l'adjonction d'hormones mâles, à fortes doses, dans l'eau d'élevage ou encore la présence de polluants dans certains cours d'eau peut entraîner un phénomène de masculinisation d'un poisson femelle, aucune réversion sexuelle n'a été observée. Ceci signifie que sous certaines conditions, relativement non naturelles, il est possible de déclencher la sécrétion d'hormones mâles chez un vivipare femelle. Cette sécrétion correspond à un dérèglement hormonal et entraînera l'apparition de caractères mâle chez la femelle. Une femelle guppy ainsi traitée exprimera les gènes de couleur restés jusqu'alors muets, sa nageoire anale se transformera en une sorte de gonopode, mais aucun testicule fonctionnel ne se développera, ce poisson restant définitivement stérile. On ne peut donc parler que de masculinisation et non de réversion sexuelle. Cependant, le mythe du xipho changeant de sexe repose sur des observations réelles et fondées même si les conclusions tirées de ces observations sont erronées. L'origine de cette croyance concernant le changement de sexe des femelles xipho se trouve dans la présence au sein de cette espèce de deux formes de mâles. Chez Xiphophorus hellerii il existe en effet deux types de mâles :

Insérer les photos comparatives de 2 mâles

Ces deux catégories de mâles sont donc différenciées par leur précocité mais aussi par leur taille. Il apparaît que les mâles tardifs ont une croissance plus longue que les mâles précoces. Tout au long de cette croissance aucun caractère ne permet de différencier les mâles tardifs des femelles. Pour l'observateur il semble donc qu'un de ses gros xiphos, qu'il avait toujours pris pour une femelle, ce soit transformée en mâle… Cela traduit en fait une stratégie de reproduction. En conservant l'aspect d'une femelle, le mâle tardif, non sexué, peut se développer tranquillement sans subir les problème de rivalité et les joutes imposées par les mâles dominants. Une fois sa croissance achevée ce poisson, beaucoup plus gros que ses adversaires, dévoile en quelques jours ses attributs pour se transformer en un des plus gros mâles du groupe. Il est à ce moment-là suffisamment fort pour supplanter les autres mâles et dominer le harem de femelles.

Hybridation : problèmes et prévention

Les risques d’hybridations sont importants chez les poissons vivipares. On considère en général que des poissons portant le même nom de genre sont susceptibles de se croiser pour donner des hybrides. Par exemple, toutes les espèces de Xiphophorus, à l’exception de Xiphophorus signum, peuvent se croiser entre elles. La plupart des espèces de Poecilia, regroupant aussi les sous-genres Mollienisia et Limia, sont interfécondes, même si les petits issus des croisements sont souvent stériles. L'éleveur de formes naturelles soucieux de préserver la « pureté » des souches qu'il maintient doit conserver à l'esprit ce risque potentiel d'hybridation entre espèces proches. La présence de partenaires multiples d'une même espèce ne permet pas de garantir, par exemple, qu'un mâle donné n'ira pas courtiser une femelle d'une espèce autre que la sienne. Il faut également conserver à l'esprit qu'un hybride n'exprimera pas nécessairement un phénotype intermédiaire (ou mixte) issu du mélange des phénotypes de ses parents. Il pourra parfaitement ressembler fortement à un seul des géniteurs selon les gènes exprimés.

Insérer la photo d'un hybride

Par mesure de prévention, et pour éviter de se retrouver avec des poissons dénaturés, il est donc préférable d'éviter de mélanger plusieurs espèces dans un bac de maintenance. Outre les risques d'hybridation entre espèces de même genre, il faut ajouter que chaque espèce présente des besoins particuliers et des niveaux de sensibilité qui lui sont propres (cf. le paragraphe « installations et aquariums »). Or les relations de dominance sont parfois difficiles à mesurer et on risque souvent de se rendre compte trop tard qu'une espèce est incommodée par une autre.

Cependant, il est des cas où l'hybridation est recherchée ! Ainsi, afin de faire apparaître de nouveaux caractères chez une espèce, certains éleveurs tentent des croisements inter-spécifiques. Presque tous les xiphos et platys que l'on peut trouver dans le commerce sont issus du croisement de deux ou trois espèces originelles : Xiphophorus helleri, Xiphophorus variatus et Xiphophorus maculatus. Les croisements de ces trois espèces puis les sélections des éleveurs ont conduit à donner toutes les variétés de couleurs actuelles sans compter les différentes formes de nageoires (lyre, hi-fin, étendard). De la même façon, tous les mollys du commerce sont issus de croisements d'au moins trois espèces : Poecilia sphenops, Poecilia velifera et Poecilia latipinna. Contrairement à une idée trop répandue, un hybride n'est pas nécessairement stérile… Dans les cas où un croisement survient, qu'il soit accidentel ou recherché, les poissons acquièrent un statut particulier, celui d'hybride : ils ne correspondent plus à aucune espèce et ne peuvent donc porter le nom de l'une d'elles ! Idéalement ils ne doivent donc plus être distribués sans indication de leur parenté ni distribués comme des poissons sauvages mais bien comme des poissons de sélection.

Consanguinité : problèmes et prévention

La consanguinité est un sujet qui revient fréquemment dans les conversations des aquariophiles et nombreux sont ceux qui expliquent l'apparition de problèmes dans leurs élevages par des raisons liées à la consanguinité toujours trop forte de leurs poissons…

Du fait de ce constat pré-établi, la plupart des éleveurs cherchent donc, par l'introduction répétée et régulière de nouveaux spécimens, à renouveler fréquemment le sang de leur souche. Partant du principe qu'il convient d'anticiper les problèmes supposés à venir, ces éleveurs procèdent à ces échanges très rapidement, souvent dès la deuxième ou troisième génération. Pour autant, est-ce justifié ?

Ainsi, on peut citer de nombreux exemples surprenants qui prennent à revers les idées reçues :

Pour autant, doit-on déduire de ces exemples que la consanguinité serait un faux problème ? pas totalement… La consanguinité peut être définie comme la réduction du nombre (ou la perte) de gènes aux fur et à mesures des générations. On n'y pense pas assez, mais la consanguinité n'est pas toujours subie ! Elle peut aussi être choisie.

Ainsi la consanguinité est voulue lorsqu'il s'agit d'obtenir des guppys de concours tous identiques. Pour atteindre ce résultat il faut forcément réduire le nombre de gènes qui s'expriment en augmentant leur consanguinité afin d'éliminer les supposés défauts : les « pas grands », les « pas colorés » ou les « petites nageoires ». Ces caractéristiques, si elles ne sont pas très recherchées pour des poissons de concours n’en sont pas moins naturelles… Nous sommes tous des « pas grands » ou des « pas colorés » ou des « petit quelque chose ! ». Une forte consanguinité liée à une forte sélection de l'éleveur est ainsi l’unique responsable de poissons champions, plus grands, plus beaux, plus forts. Consanguinité n'est donc pas nécessairement synonyme de rachitisme et de malformations. Lorsqu'elle est choisie la consanguinité permet l'établissement de souches avec des caractéristiques fixées. L'introduction de nouveaux spécimens présentant des caractéristiques différentes n'est alors intéressante que si l'on veut apporter ces autres caractères. Pour cela il faudra trouver un reproducteur qui présentera lui même une forte consanguinité… mais basée sur d'autres critères !

À l'opposé, la consanguinité est subie lorsqu'il s'agit d'une perte involontaire de gènes. Cette perte involontaire est plus délicate à contrôler. Elle se produit inéluctablement dès lors que tous les poissons d'une souche donnée ne participent pas à l’élaboration de la génération suivante. C'est le cas lorsque l'on isole une seule femelle pour recueillir ses petits. C'est également le cas lorsque l'on ne recueille que les alevins issus de la première portée et c'est encore le cas lorsqu'un mâle dominant se développe au sein d'un groupe et écarte ses rivaux pour participer seul aux actes de reproduction. Pour prévenir au maximum la consanguinité subie l'intervention de l'éleveur est indispensable et déterminante. Il convient ainsi de privilégier autant que possible l'élevage en communauté et si possible en maintenant un groupe de reproducteurs le plus important possible. Cela suppose bien sûr, souvent, de disposer de grands bacs… Lorsque l'on compose avec des volumes plus réduits et que l'agressivité des adultes, entre eux, ou vis à vis des jeunes est trop importante, il faut parfois choisir telle ou telle femelle ou encore tel ou tel mâle. Dans ces deux cas il faut procéder à une « rotation » des reproducteurs de façon à maintenir au maximum la mixité génétique et recréer ainsi, artificiellement, la notion de groupe, Cela n'est pas forcément beaucoup plus simple d'ailleurs car cela impose de noter et de suivre les croisements réalisés ainsi que de disposer d'un certain nombre de bacs. Lorsque l'on isole successivement différentes femelles on ne peut imaginer élever tous les alevins produits. Il faut donc tenter de faire intervenir le hasard. On peut ainsi rassembler tous les alevins dans un seul et même bac pour n'en conserver au final qu'un petit nombre, prélevés de manière aléatoire sans chercher à distinguer d'autres caractères que le sexe. C'est un exercice difficile qui consiste à éliminer une part des jeunes que l'on a parfois eu du mal à obtenir… Lorsqu'un mâle dominant se présente dans un harem ou lorsqu'une espèce compte plusieurs types morphologiques de mâles (précoces ou tardifs, petits ou grands, colorés ou pas etc.) il est indispensable de permettre à plusieurs mâles d'apporter leur patrimoine génétique. Il est aisé de retirer d'un groupe un mâle dominant mais plus compliqué de maintenir les différentes formes au sein d'une espèce. Il n'y a alors pas d'autre solution à long terme que de maintenir plusieurs lignées au sein desquelles, paradoxalement, on isole telle ou telle caractéristique.

Voulue ou subie, dans tous les cas, la consanguinité ne surgit pas en un instant dans une souche et rien ne justifie donc l'arrivée trop rapide de spécimens nouveaux au sein d'un groupe qui commence à s'établir. Procéder de la sorte conduit d'ailleurs plus souvent à l'échec car l'introduction d'un « étranger » est finalement beaucoup plus risquée et difficile à maîtriser.

Certes, la consanguinité augmente à chaque génération, c’est inéluctable… mais comme il a été dit précédemment, elle n’est pas obligatoirement synonyme de malformations et si malformations il y a, celles-ci apparaîtront progressivement. Il apparaîtra d’abord un ou deux poissons tordus… puis cinq ou six… puis tous ! c’est avant le « tous » qu’il faut réagir. Sans faire de sentiments il faut écarter du groupe de reproducteurs les poissons déviants, même légèrement. Un rayon tordu, une coloration étrange, des vertèbres manquantes, une nage atypique, une faible fécondité… le poisson doit être écarté des autres membres de son espèce s'il n'est pas purement et simplement supprimé. Refuser par excès de sensiblerie ce travail est contre-productif et conduit irrémédiablement à la perte de la souche. Ne l'oublions pas, l'aquarium est un milieu confiné. Rien ne s'y passe comme dans la nature. Tout y va beaucoup plus vite, dans un sens comme dans l'autre, en bien ou en mal. C’est le travail de l’éleveur que d’observer attentivement ses poissons et d’effectuer une sélection. Même pour une souche de poissons sauvages, la sélection, aussi minime soit-elle, est obligatoire.

Choisie ou subie, la consanguinité peut ne pas avoir d’impacts visibles sur nos poissons mais elle a, à coup sûr, des effets invisibles plus pernicieux. Nos poissons au fil des générations s'adaptent aux conditions que nous leur offrons : à notre eau, à notre nourriture, à notre température, et ils se désimprègnent des maladies qui les affaiblissaient en milieu naturel. Au final ils supportent mal ou très mal les changements de milieu et d’autres conditions de vie… ce qui est inévitable dès lors que l'on procède à des échanges avec d'autres éleveurs ou encore lorsque l'on déménage tout simplement (changement de la qualité de l'eau). La consanguinité, si elle n’est pas synonyme de dégénérescence, est donc synonyme d’insécurité.

Il ne faut donc pas avoir peur de la consanguinité, il faut savoir faire avec. Il faut trouver le juste milieu entre une hyper-sélection de poissons extrêmement consanguins et une recherche désespérée et chronique de sang neuf !

En théorie seuls des poissons sauvages ne sont pas consanguins. Et encore, les études en milieu naturel montrent que souvent ceci n’est pas vrai car les populations ont toujours une taille limitée !

Au final il y a plusieurs origines à la dérive génétique qu'il peut être intéressant de détailler et de conserver à l'esprit. Il existe:

L'origine générationnelle : c'est celle qui, naturellement, fait intervenir à chaque génération les mécanismes aléatoires de Mendel qui font que des gènes apparaissent ou disparaissent. En théorie, pour conserver un maximum de diversité il faudrait que tous les individus participent à part égale à la nouvelle génération, c'est-à-dire que tous les mâles se croisent avec toutes les femelles et que l'on garde tous les petits qui se croiseraient tous entre eux et ainsi de suite – parfaitement impossible! En milieu naturel, la nature ne fait pas mieux, procédant simplement à un tri sélectif des éléments les plus faibles ou les moins adaptés. Mais en aquarium il faut considérer que le brassage des individus est moindre et que la sélection naturelle n'existe pas. Ceci justifie donc l'intervention de l'aquariophile.

L'origine réductionnelle : c'est celle qui est liée directement à la capacité de nos bacs et aux méthodes que nous employons pour faire nos croisements. On travaille sur un nombre limité de poissons créant un effet « entonnoir ». À chaque génération si on utilise le génome de dix poissons c'est déjà beaucoup… mais si ce travail est effectué simultanément par dix éleveurs cela devient cent poissons et c'est pour ça qu'il est intéressant de travailler en groupe ! Le nombre d'individus utilisés pour créer une nouvelle lignée chez un nouvel éleveur est souvent mis en avant. Certains préconisent ainsi de débuter un nouvel élevage avec un nombre maximum de poissons. Évidemment plus le nombre de reproducteurs potentiels employé est grand, meilleur cela est… encore faut-il que les individus en question ne soient pas déjà frères et sœurs ou fortement consanguins ! On pourrait donc disserter longtemps sur le nombre minimal de poissons nécessaires à l'établissement d'une nouvelle lignée fiable. D'autant qu'il ne faut pas se leurrer : dans la majorité des cas, les échanges entre éleveurs se résument à un couple ou deux surtout lorsqu'il s'agit d'espèces rares ou peu prolifiques. Dans ces conditions, privilégions dans un premier temps l'échange de groupes de juvéniles (par six ou huit).

L'origine comportementale : c'est celle qui est liée directement au comportement social et reproducteur de chaque espèce. Les problèmes comportementaux trouvent d'ailleurs souvent un écho au niveau du matériel. Ainsi, organiser le brassage génétique d'une espèce où deux mâles ne peuvent se supporter dans moins de 100 litres est beaucoup plus compliqué que celui d'une espèce vivant harmonieusement en colonie dans 50 litres et où chaque individu a une chance de participer à la production de la génération suivante. La situation est tout aussi compliquée lorsqu'il s'agit de maintenir cinq types morphologiques différents et coexistant dans la nature. Sans la volonté de l'éleveur pour qu'il en soit autrement, on arrive en milieu confiné à ne plus avoir dans l'aquarium que le seul type morphologique dominant. Dans ce cas la solution passe par l'élevage en bacs séparés des différentes morphes.

L'origine adaptative : c'est celle qui fait que les poissons s'habituent exagérément aux conditions du milieu qui l'a vu naître, rendant difficile à impossible leur transfert vers d'autres milieux. Dans ce cas, la solution ne peut être que globale, du point de vue de l'espèce considérée uniquement, et passe par la multiplication des points d'élevages (et donc du nombre d'éleveurs).

Au final, il est donc important de constituer des groupes de poissons comptant de nombreux spécimens qui participent au processus de reproduction. L'élevage en lignée pendant plus de 10 ou 20 générations est possible avec peu de conséquences physiques pour le poisson si l'éleveur effectue une sélection attentive de ses poissons. Néanmoins les conséquences physiologiques de ce genre d'élevage seront potentiellement importantes et les poissons susceptibles de montrer ensuite des problèmes d'adaptation importants quand ils changeront de propriétaire. Le meilleur exemple est probablement celui de Skiffia franceasae. 30 ans d'aquarium, au moins trois effets réductionnels importants au cours de cette période (réduction à moins de 10 individus de la population totale). Désormais Skiffia francesae est un poisson très « dégradé » qui se développe superbement chez certains et meurt inéluctablement chez d'autres.

Augmenter le nombre d'éleveurs et multiplier les échanges est un moyen pour remédier à certains problèmes mais néanmoins il convient de prendre en compte également les problèmes nouveaux que posent la multiplication des échanges et tenter d'éviter notamment les « contaminations » par erreur et les pertes liées aux difficultés de transfert et d'acclimation. Une solution possible passe par la gestion et l'optimisation des échanges entre les éleveurs.

Recueillir et élever les alevins

Un sujet important pour tout éleveur de vivipares ! Les femelles vivipares font en général une portée d’alevins toutes les quatre semaines s’il s’agit de Poeciliidae et toutes les huit semaines (avec un repos hivernal de trois ou quatre mois) s’il s’agit de Goodeidae.

Afin d'anticiper la ponte à venir on dit souvent qu’il faut regarder la tache de gestation sensée devenir grande et sombre avant la ponte. Il s'agit là d'un raccourci trop rapide pour être précis. Nombre d'espèces ne présentent en effet pas cette tache de gravidité, tandis que d'autres la présentent en permanence ! Enfin, chez certains poissons (Xiphophorus xiphidium par exemple) c'est le mâle qui est affublé d'une tache de gravidité ! On le voit, ce critère n'est pas suffisant. Il est plus judicieux de regarder l’état « d’arrondissement » de la femelle qui peut apparaître réellement distendue la semaine précédent la ponte. Parfois il faut l'observer du dessus. Au niveau de l’abdomen, une femelle qui porte des petits est plus large que les autres, même si vous ne voyez rien au niveau du profil. Néanmoins, il reste des espèces où il n'existe aucun signe extérieur (Jenynsia multidentata, Priapella intermedia). Cela ne facilite pas la tâche de l'aquariophile mais il faut s'y résoudre !

Faut-il alors isoler les femelles ? La réponse est liée au comportement de chaque espèce. Certaines sont très cannibales, d’autres pas. Mais le comportement spécifique est parfois lié aux caractéristiques de l'aquarium : est-il grand ou petit ? les alevins peuvent-ils s'échapper ? Disposent-ils de cachettes ? Ne risquent-ils pas d'être avalés par un filtre ? N'y a-t-il pas d'autres poissons susceptibles de les croquer ? Les situations sont multiples !

Rationnellement, l'éleveur soucieux de préserver et d'obtenir un maximum d'alevins isolera la femelle. Dans un bac aménagé pour cet événement, rempli de la même eau que celle du bac d'origine, planté, muni de cachettes, la femelle sera à l'aise, non inquiétée par d'autres poissons. Cela peut être utile pour élever à part les jeunes dans un premier temps et leur fournir une alimentation spécifique et abondante. C'est indispensable pour les espèces exerçant une prédation trop forte sur leurs petits. Ce bac ne doit pas être trop petit. 20 ou 30 litres sont suffisants pour beaucoup d'espèces. Il doit être équipé comme n'importe quel aquarium, filtré et chauffé. Pour les plus grandes espèces on peut également utiliser des bacs plus grands et cloisonnés par un grillage plastique au travers duquel les alevins ne manqueront pas de passer. Ils peuvent d'ailleurs être attirés vers cette zone protectrice grâce à la présence d'une lumière vive vers laquelle ils ne manqueront pas de se diriger (à quelques exceptions près).

Mais on peut aussi préférer une méthode plus naturelle et laisser les pontes se produire dans l'aquarium de maintenance. Si le bac est bien planté, notamment en surface, il y aura toujours quelques alevins qui survivront. C'est l'élevage en colonie. Celui-ci n'est cependant pas réalisable pour chaque espèce.

Une solution intermédiaire peut être d’isoler la femelle pour la première ponte, afin d’assurer un stock de sécurité, puis de laisser les autres pontes se faire dans le bac des parents.

Mais, quoi qu’il en soit, n'imaginez pas un instant utiliser les petits pondoirs flottants en plastique que l’on trouve dans le commerce. Ces pondoirs sont tout à fait inadaptés. Ils constituent un endroit trop exigu pour une femelle en fin de gestation qui à besoin de repos. Milieu confiné, Le pondoir concentre la pollution (apportée par la nourriture ou produite par la femelle), ce qui augmente le stress de la mère.

La ponte peut prendre entre une et six heures, il est anormal que cela dure plus longtemps. Une fois que la femelle est bien « dégonflée » il est possible de la retirer du bac de ponte avant qu’elle ne commence à essayer de gober sa progéniture. L’idéal serait de la placer deux ou trois jours dans un bac de repos, sans mâles de son espèce, pour qu’elle se refasse une santé. Les alevins quant à eux pourront commencer à être alimentés dès le lendemain de leur naissance. (il y a une raison particulière ?